Archive dans avril 2017

USA et Corée du Nord : escalade sans précédents

Lundi soir, la Corée du Nord annonçait que les Etats-Unis seraient « rayés de la surface de la Terre » en cas d’une éventuelle guerre déclenchée par Washington. Bien que les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord n’aient jamais été particulièrement bonnes, ces deux dernières semaines constituent sans doute l’une des plus grosses crises diplomatiques entre les deux pays. Les Décryptages analysent les modalités d’un éventuel conflit entre Washington et Pyongyang (la capitale nord-coréenne).

Avant d’envisager un conflit planétaire, il convient de s’interroger sur ce qu’il s’est récemment passé entre la Corée du Nord et les Etats-Unis.
Les tensions commencent pendant la deuxième semaine d’avril, lorsque l’US Navy annonce l’envoi d’un groupe aéronaval vers la Corée du Nord. Ce groupe est dirigé par le porte-avion USS Carl Vinson, navire de guerre comptant à son bord pas moins de 70 avions et hélicoptères de combat.

Le 15 avril, la Corée du Nord organise un défilé militaire à Pyongyang pour célébrer le 105ème anniversaire de la dynastie au pouvoir, fondée par Kim-Il-Sung. Kim-Jong-Un, actuel dirigeant de la Corée du Nord, déclare alors que son pays est prêt à répondre à une « guerre totale » avec les Etats-Unis.

Le lendemain, la Corée du Nord met en oeuvre un nouvel essai nucléaire, qui, selon les américains, constituerait un échec, le missile ayant explosé lors du décollage.

Le 23 avril, Rodon Sinmun, le quotidien du pays, annonce : « Nos forces révolutionnaires sont aptes au combat pour couler le porte-avions américain à propulsion nucléaire en une seule frappe », visant donc l’USS Carl Vinson.

Enfin, le 24 avril, Kim-Jong-Un a déclaré aux Etats-Unis qu’ils seraient « rayés de la surface de la planète » en cas de guerre. Pendant ce temps, Trump, en réunion à la Maison Blanche avec des représentants de l’ONU, réclamait de plus grandes « sanctions » à l’encontre de la Corée du Nord.

De quelles forces disposent respectivement les deux pays ?

Nous allons maintenant examiner les ressources et les forces armées des deux pays. A noter que les chiffres utilisés datent de 2015, ils auront donc changés depuis (sûrement augmentés d’ailleurs).

Premièrement, les deux pays n’ont pas les mêmes ressources économiques. En effet, le budget consacré à l’armée, en 2015, était de 10 milliards de dollars en Corée du Nord, soit 15,8% du PIB, la richesse totale du pays. En revanche ce chiffre est de 664 milliards de dollars aux Etats-Unis, ce qui représente seulement 2,4% du PIB. Cette dernière dispose donc d’un budget environ 65 fois supérieur à celui de l’armée nord-coréenne.

En ce qui concerne le nombre d’hommes, l’armée américaine aligne 1,4 million de soldats actifs ainsi que 850 000 réservistes, soit un total de près de 2,3 millions d’hommes. Pyongyang peut compter sur 690 000 soldats actifs ainsi que 4,5 millions de réservistes, soit 5,2 millions d’hommes (environ 20% de la population totale de la Corée du Nord). En revanche, les Etats-Unis pourraient mobiliser 120 millions de soldats supplémentaires en cas de guerre contre 10 millions pour la Corée du Nord. Si l’on additionne ces chiffres, on voit que, lors d’une éventuelle guerre, Kim-Jong-Un aurait une armée 8 fois plus petite que celle de Donald Trump.

Mais la guerre ne je joue pas qu’au nombre d’hommes. Il faut aussi prendre en compte le nombre d’unités motorisées (tanks, avions…). Les deux armées ont approximativement le même nombre de chars : 6600 pour la Corée du Nord et 8300 pour les Etats-Unis. Par contre, l’US Air Force compte 15 fois plus d’avions que son homologue nord-coréenne : 137000 contre 940. Sur mer, la Corée du Nord dispose d’une marine deux fois plus importante que celle des Etats-Unis. Cependant, la majorité de ces navires servent à défendre les côtes du pays. Les américains possèdent des bateaux plus modernes et puissants : 10 portes avions pour l’US Navy contre 0 en Corée du Nord. Enfin, on observe un fort déséquilibre au niveau des armes nucléaires : la Corée du Nord possède entre 4 et 8 têtes nucléaires alors que les Etats-Unis ont 5100 bombes nucléaires. Au passage, vous pourrez trouver dans les sources une vidéo (en anglais) démontrant que 300 bombes nucléaires bien placées seraient suffisantes pour éradiquer l’humanité…ce qui signifie que Donald Trump est à la tête d’un arsenal nucléaire suffisant pour potentiellement anéantir l’humanité 17 fois d’affilée.

Enfin, il se pose la question du pétrole, carburant principal de toutes les forces motorisées que nous avons citées précédemment et donc ressource indispensable pour mener une guerre. Pour approvisionner suffisamment son armée, Kim-Jong-Un aurait besoin de 15 000 barils de pétrole par jour. Or, la Corée du Nord n’en produit que 150 par jour et ne dispose d’aucune réserve. En revanche, si les Etats-Unis ont besoin de 19 millions de barils par jour, il en produisent 8,5 millions par jour et ont une réserve totale de 20 milliards de barils, ce qui serait suffisant pour les approvisionner pendant 5 ans.

Au vu de ces chiffres, il semble nécessaire de rappeler à Kim-Jong-Un que, seule, c’est bien la Corée du Nord qui risque d’être rayée de la surface de la terre… Mais quels sont les alliés de Pyongyang ?

Les alliés de la Corée du Nord

Historiquement, le premier allié de la Corée du Nord est l’URSS, qui l’aide constamment à se développer entre 1945 et 1991. La relation russo-coréenne est rompue avec la chute de l’URSS (1991). Il faut attendre l’arrivée de Poutine au pouvoir pour voir des liens se renouer. Par exemple, il rencontre Kim-Jong-Il, l’ancien leader nord-coréen, en 2000. De plus, 90% de la dette nord-coréenne vis-à-vis de la Russie, soit environ 10 milliards de dollars, sont effacés en 2014. Poutine espérait ainsi être en position de force pour négocier la construction d’un oléoduc (tube transportant le pétrole) en Corée du Nord.

Ensuite, il y a la Chine, qui a d’ailleurs aidé la Corée du Nord pendant la guerre de Corée (1950-1953) en envoyant des centaines de milliers de « volontaires » se battre contre les troupes de l’OTAN qui avaient presque entièrement conquis la Corée. Par ailleurs, la Chine et la Corée possèdent environ 1400 kilomètres de frontière commune. Les deux pays signent dès 1961 un traité d’aide mutuelle et de coopération. La Chine devient vite un partenaire économique de premier choix : en 2011, la Corée du Nord réalise 83% de ses échanges commerciaux avec la République Populaire de Chine. Cependant, devant les attitudes guerrières de Kim-Jong-Un, Pékin semble s’éloigner de son allié nord-coréen.

On peut également se poser la question quant à un rapprochement avec l’Iran. En effet, la Corée du Nord à vendu des armes à l’Iran lors de la guerre qui l’a opposé à l’Irak. De plus, les deux pays sont similaires dans le sens où ils ont enduré de sévères sanctions de l’ONU du fait de leurs recherches sur la bombe nucléaire.

Si elle a peu d’alliés, la Corée du Nord cherche à s’en créer de nouveaux. Par exemple, Pyongyang a envoyé des diplomates à Cuba ainsi qu’en Guinée équatoriale en 2015. Kim-Jong-Un cherche donc le soutien d’anciens pays du bloc de l’est, ayant soutenu l’URSS, dans le but de briser la solitude diplomatique de la Corée du Nord. En effet, nous l’avons déjà vu plus haut, sans alliance, le pays ne survivrait pas à une guerre totale contre les Etats-Unis.

Quelles conséquences pour la région ?

Toujours est-il que cette crise diplomatique est inédite. Elle suscite cependant des réactions variées dans les pays voisins. En Corée du Sud, la population, habituée aux aboiements de Kim-Jong-Un, ne réagit pas. Les Sud-Coréens n’y voient  qu’un provocation de plus et restent confiants, d’autant plus que l’USS Carl Vinson s’est arrêté quelques jours en Corée du Sud et que les autorités américaines et coréennes seraient actuellement en train de discuter sur la mise en place d’entraînements communs des deux armées.

Au contraire, au Japon, qui n’a plus véritablement d’armée depuis 1945, c’est l’inquiétude qui règne. En effet, deux destroyers (des navires de guerres de taille moyenne) japonais ont participé à des opérations conjointes avec l’USS Carl Vinson et le pays ne serait pas capable de se défendre proprement en cas d’attaque. Aussi, certains japonais ont décidé d’investir dans des abris anti-nucléaires. Problème, cela coûte très cher : un abri pouvant accueillir treize personnes coûte environ 209 000 euros. De plus, il faut au moins quatre mois pour le construire.

En somme, il semble peu probable que, malgré ses menaces, Kim-Jong-Un ne décide d’attaquer seul les Etats-Unis. C’est d’ailleurs pour cela qu’à chaque fois qu’il évoque la guerre, il parle d’une agression des Etats-Unis à laquelle il serait alors forcé de répondre. Crise diplomatique ou début d’une guerre totale, c’est donc à Donald Trump d’en décider. L’avenir de la Corée est lié aux décisions du président américain, déjà bien connu pour son impulsivité. Espérons qu’il ne prenne pas l’habitude d’ordonner des bombardements « autour d’une part de gâteaux au chocolat » comme il l’a fait en Syrie. En effet, la perspective, par le biais de l’engrenage des alliances, d’une guerre entre la Corée du Nord , la Russie et la Chine d’un côté, les Etats-Unis (et donc l’OTAN), la Corée du Sud et le Japon de l’autre, n’est pas très rassurante pour le futur.


Sources :

http://www.rtl.fr/actu/international/coree-du-nord-que-se-passe-t-il-entre-kim-jong-un-et-donald-trump-7788129597

http://www.europe1.fr/international/tensions-coree-du-nord-etats-unis-les-japonais-investissent-dans-les-abris-anti-atomiques-3311198

https://www.youtube.com/watch?v=zYi9vAI7weA

https://www.youtube.com/watch?v=S1jwxZONlsE

Venezuela, la triple crise : économique, politique et institutionnelle

Depuis quelques semaines, l’opposition au président Nicolàs Maduro descend dans les rues de Caracas (capitale du Venezuela) pour manifester contre la profonde crise économique qui touche le pays et les atteintes à la démocratie de la part de son gouvernement : en seulement 3 semaines, on ne dénombre pas moins de 6 grands rassemblements. En effet, le Venezuela, pays pétrolier le plus riche d’Amérique Latine il y a quinze ans; traverse aujourd’hui la plus grave crise humanitaire qu’il n’ai jamais connu.

Une transition politique marquée par une crise économique sans précédant

La mort d’Hugo Chàvez en 2013 marque une profonde transition dans le cadre politique du Venezuela. Malgré certaines accusations de corruption et de dérives autoritaires (censure des critiques à son égard, répression de ses adversaires, …) après 14 ans au pouvoir, le leader de la révolution bolivarienne s’était élevé au rang de président le plus populaire de l’histoire vénézuélienne par ses nombreux programmes sociaux. Grâce à l’exploitation de ses réserves de pétrole –qui se trouvent être les plus importantes au monde– le Venezuela a réussi à établir un performant système d’éducation et de santé publiques comme il y en a peu en Amérique du Sud, continent marqué par de profondes inégalités et une carence dans ces services publics.

Suite à la mort de Chavez le 5 mars 2013, c’est son vice-président, Maduro qui le succède par intérim, puis qui se fait élire le 14 avril de la même année avec 50,6% des voix. Son successeur n’a pourtant pas sa popularité. C’est bien sous son mandat que le pays souffre de la chute brutale des cours du pétrole. Le prix du baril, qui en juillet 2014 coûtait 107 dollars, passe en janvier 2016 à 30 dollars seulement. Si Chavez a fait connaître à son pays une grande prospérité durant son long mandat, il n’a pourtant pas profité de la conjoncture favorable pour diversifier l’activité économique du pays, dont le pétrole représente 96% des devises. Faute de moyens de financement, les revenus de l’Etat ont ainsi considérablement fondus. Le président Maduro a alors supprimé, en 2015, de nombreuses aides sociales.

Le pays plongé dans la crise humanitaire

Il semble alors que le système chaviste n’arrive plus à se soutenir et à affronter cette triple crise. Aujourd’hui le Venezuela est dans une situation de pénurie alimentaire, d’explosion de la violence, et de crise politique sans précédent.

Près de 80% des produits de base manquaient au Venezuela en 2016, ceux-ci étant principalement issus des importations. Des aliments comme la farine, le riz ou encore le pain sont quasiment introuvables, les habitants sont soumis à un important rationnement. Les Vénézuéliens sont contraints de faire en moyenne 35 heures de queue par semaine dans les supermarchés, pour n’y trouver que le strict minimum. Nombreux sont ceux qui constituent progressivement des réserves, essayant de garantir le plus sûrement possible la nourriture de base, sans compter l’installation progressive d’un marché noir. Il faut aussi considérer la hausse des prix, avec une inflation atteignant au début de cette année 800%, et qui pourrait encore doubler dans les prochains mois.

Le système de santé qui était l’un des grands acquis sociaux de Chavez avec des programmes comme « Barrio Adentro » (« A l’intérieur du quartier »), consistant à l’envoi de médecins cubains et vénézuéliens dans les quartiers les plus précaires en échange de livraisons de pétrole vers Cuba, est aussi en train de se détériorer. Les médicaments de base sont en manque, touchant 76% des hôpitaux du pays. En 2016, on comptait 19 hémophiles décédés, faute de traitements.

De plus, les grandes villes voient une explosion de la violence et de l’insécurité. Caracas est une des villes les plus violentes du monde, avec 92 morts violentes pour 100 000 habitants. Dans ce cadre de violence extrême, les lynchages dans les rues par les populations locales sont fréquents, suite à des vols ou des meurtres.

Une situation aggravant la crise politique et institutionnelle

Dans ce contexte de chaos économique et social, l’opposition arrive à gagner le Parlement, représentant trois cinquièmes des sièges en 2015. En avril 2016, cette opposition ouvre une procédure de destitution du président Maduro, réunissant 1,8 millions de signatures pour approuver le projet de référendum en août. Pourtant le projet est stoppé en octobre, le gouvernement avançant le fait qu’il y aurait eu des fraudes dans les signatures.

Du 29 au 30 mars, la Cour Suprême, favorable à Maduro, s’octroi des pouvoirs du Parlement qui forme la principale opposition. D’une part, elle s’arroge du pouvoir législatif, et d’autre part supprime l’immunité parlementaire, permettant ainsi d’ouvrir plus facilement des procédures judiciaires contre ses adversaires. Cette ingérence dans l’ordre constitutionnel, suivie de réactions à l’échelle internationale oblige la Cour Suprême à renoncer aux pouvoirs du Parlement et rétablir l’immunité. Cependant le gouvernement a rendu inéligible pour 15 ans Enrique Capriles, principal opposant de Maduro qui comptait se candidater aux prochaines élections. Cette procédure, considérée comme une atteinte à la démocratie ravive les manifestations et contestations, le Parlement accusant le président de tentative de coup d’Etat. Les manifestations ont commencé le 4 avril puis se sont amplifiées depuis le 7. La population exige des élections présidentielles anticipées, celles-ci étant prévues pour 2018. Les manifestations sont très violentes, les affrontements entre manifestants et autorités qui utilisent gaz, balles en caoutchouc et canons à eau étant particulièrement fortes. On compte pour les dernières 5 tués par balles en deux jours. Malgré cette violence, les leaders de l’opposition appellent à redescendre dans les rues ce week-end.

Les populations décident donc de plus en plus de partir. Beaucoup cherchent à obtenir un passeport espagnol, car il suffit d’avoir des grands parents possédant la nationalité. Les relations entre les deux pays sont pourtant tendues, suite à la censure de la chaîne CNN espagnole qui a ensuite été bannie pour avoir fait un reportage sur un présumé trafic de passeport vénézuélien au Moyen Orient. Le journal El Pais est d’autre part accusé d’alimenter une guerre médiatique contre la révolution bolivarienne. A la frontière avec la Colombie, cette migration massive est inversée. Alors que beaucoup de Colombiens fuyaient les conflits internes, notamment avec les FARC, ce sont aujourd’hui les Vénézuéliens qui tentent de franchir la frontière. Plusieurs se dirigent également vers le Brésil, et plus précisément vers l’état du Pará. Il faut savoir que le Venezuela entretient des relations critiques avec ses voisins américains depuis son expulsion du Mercosur, la plus grande union économique sud-américaine, par ses quatre pays fondateurs, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et l’Argentine, lui reprochant notamment de ne pas respecter les valeurs démocratiques.

Bien que certains partisans du chavisme restent fidèles à Maduro malgré la baisse de 24% de sa popularité, d’autres cherchent dans le PSUV, le parti au pouvoir, un leader pouvant égaler Chavez pour réunir les Vénézuéliens et tenter de sortir de cette crise.

Quel est le vrai profil d’un candidat à la présidentielle?

Les reproches faits au candidat à la présidentielle et, plus généralement, à la classe politique sont souvent les mêmes. La politique serait ainsi “réservée à de vieux patriarches”, “professionnels de la politique depuis toujours”, “hostiles au renouvellement de la scène politique française”, … Réalité ou fruit de l’imaginaire collectif ? “Les Décryptages” fait le point.

Ils sont tous vieux!

L’âge moyen d’un citoyen Français est de 50 ans, celui des candidats de 56.
Sur le long terme (depuis l’élection présidentielle de 1981) cette moyenne d’âge, relativement stable, s’élève à 54 ans. La différence entre les Français et leurs représentants n’est donc pas si grande qu’elle ne semble l’être…

“Ce ne sont que des hommes!”

Depuis la première candidature d’une femme, Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), en 1974, la parité n’est pas de mise entre candidats.
Deux femmes contre sept hommes en 1995, trois femmes et dix hommes en 2007, deux femmes et 9 hommes cette année… 
La tendance ne semble malheureusement pas s’inverser.

La vision d’un candidat professionnel de la politique, déconnecté de la « réalité des français » est elle aussi souvent évoquée pour expliquer le dégoût qu’éprouvent certains français à l’égard des élections. Et ce sentiment est généralement justifié. Là où, en 1981, les candidats avaient en moyenne dix-sept années d’activité politique, celle-ci fut d’environ 19 ans en 1995 et de 21 ans en 2007. La tendance continue d’empirer : cette année, les candidats ont en moyenne 25 ans d’ancienneté politique.

Dans cette même idée, nous pouvons étudier la propension des candidats à renouveler leurs candidatures.
En 1995 ou en 1998, les candidats pour la seconde ou la troisième fois représentait moins d’un tiers des candidats (2/9 en 1981 et 3/10 en 1995)… Contre 5/11 (46%) des candidats aujourd’hui.

Face à ce “ras-le-bol” éprouvé par la plupart des français à l’égard d’une classe politique vieillissante, certains candidats et mouvement politiques tentent de renouveler la vie politique.
L’interdiction du cumul des mandats, prochainement effective, indique un début de volonté du pouvoir à rénover les pratiques politiques.

Certains candidats à l’élection présidentielle de 2017 vont dans ce sens : Jean-Luc Mélenchon propose le tirage au sort d’une partie de l’Assemblée Constituante visant à rédiger la nouvelle constitution de la VIème République. En Marche, le mouvement d’Emmanuel Macron, présentera 50% de d’hommes et de femmes directement issus de la société civile (sans aucun passé politique) aux prochaines législatives.

De plus en plus virulentes, les critiques du “système” soulignent la nécessité d’une classe politique plus proche de la population.


Sources / En savoir plus :
https://goo.gl/Txz905
https://goo.gl/JFo6zs
https://goo.gl/Os419i
https://goo.gl/ynlAC9

Tempête politique en Afrique du Sud

Depuis plus d’une semaine, plusieurs milliers de sud Africains manifestent dans les villes principales du pays. Leur réclamation : le départ du président Jacob Zuma. Ce dernier, déjà empêtré dans plusieurs scandales, a déclenché une vague de protestations à la suite d’un remaniement ministériel très controversé.

Retour sur les événements qui secouent l’Afrique du Sud.

Qui est Jacob Zuma ?

 Jacob Zuma devient membre du Congrès National Africain (ANC) en 1959 et devient une figure de la lutte contre l’apartheid. Ses actions politiques anti-apartheid lui valent l’incarcération et l’exil pendant plusieurs années.

De retour en Afrique du Sud en 1990, il est nommé vice secrétaire général de l’ANC à la demande de Nelson Mandela. Ses investissements en faveur du retour des exilés et de la paix au Natal (région d’Afrique du Sud marquée par les conflits politiques) en font un homme politique populaire en Afrique du Sud. Il devient une figure importante de l’ANC, et en 1997, il en devient le vice-président.

En 1999, Jacob Zuma accède à la vice-présidence de l’Afrique du Sud lorsque Thabo Mbeki, de l’ANC, devient président. Mbeki et Zuma sont réélus pour la présidence en 2004.

En 2007, Jacob Zuma est élu président de l’ANC et devient le candidat du parti pour l’élection de 2009, qu’il remporte. En 2014, il est élu pour un second mandat.

Un président qui fait scandale

 Très vite, Jacob Zuma se retrouve empêtré dans de nombreux scandales.

En 2005, il est impliqué dans l’affaire Thint-Thales. Zuma est accusé d’avoir été financé par l’entreprise d’armement Thales en échange d’une protection lors des enquêtes sur les contrats d’armement. Son homme d’affaire et conseiller, Schabir Shaik, à l’origine des négociations, est condamné à quinze ans de prison ferme. Ce scandale coûte à Zuma sa fonction de vice-président : Mbeki décide en effet de le limoger en juin 2005.

De plus, le procès de Zuma met à mal la coalition de l’ANC : au sein du parti s’élèvent des critiques concernant l’acharnement de la justice et le limogeage de Zuma par Mbeki. Finalement, en septembre 2006, un tribunal sud-africain ordonne l’abandon des accusations de corruption en raison d’un vice de procédure avancé par les avocats de Zuma. Mais Zuma reste lié à des affaires de corruption concernant le groupe d’armement pendant plusieurs années. Sa popularité est affectée.

Surtout, la même année, Zuma est impliqué dans une affaire de viol. Bien qu’ayant reconnu les faits, il est finalement acquitté tout en étant réprimandé pour ses comportements sexuels « inacceptables ».

En 2014, on découvre que, depuis 2009, Zuma a dépensé entre 15 et 20 millions de dollars d’argent public pour des aménagements personnels (piscine, amphithéâtre…) qu’il avait fait passé pour des travaux de sécurité. Lorsque l’affaire est dévoilée, des protestations réclamant sa démission éclatent dans le pays, comme le mouvement « Zuma must fall » ; et les manifestations sont d’autant plus fortes que le pays est marqué par la crise économique et un chômage de masse.

L’ANC essaie de défendre Jacob Zuma, surtout que cette affaire éclate à quelques mois des élections et que Zuma brigue un second mandat. Finalement, sous la pression de la justice et du peuple sud Africain, Jacob Zuma accepte de rembourser une partie de la somme, mais il refuse de démissionner. Son mandat est finalement reconduit par l’Assemblée mais sa popularité continue de chuter.

En 2016, Jacob Zuma est encore une fois impliqué dans des affaires de corruption. Cette fois-ci, elle implique la richissime famille Gupta, qui aurait exercé une influence sur la politique nationale grâce à une proximité avec Zuma. Les révélations sur la relation entre Zuma et la famille Gupta valent à Jacob Zuma d’être rappelé à l’ordre par le Parlement.  Face aux protestations populaires et politiques, Zuma est sur le point de devoir démissionner. Mais les Gupta quittent l’Afrique du Sud et Zuma parvient encore une fois à se maintenir au pouvoir.

Le feu aux poudres : un remaniement controversé

 Le dernier événement en date, déclencheur des manifestations récentes en Afrique du Sud, c’est un remaniement ministériel très controversé. Dans la nuit du 30 au 31 mars, le président sud Africain a limogé le ministre des finances, Pravin Gordhan, très populaire et réputé pour sa probité. Il avait été placé au ministère des finances par des tendances opposées à Zuma au sein de l’ANC, dans le but de limiter la corruption.

Le vice-ministre Mcebisi Jonas a dû lui aussi quitter le gouvernement, alors même qu’il était reconnu pour ses compétences et sa volonté de toujours agir en faveur du pays et de sa population. Sept autres ministres ont subi le même sort, et ont été remplacés par des proches de Jacob Zuma.

Ce remaniement a provoqué une véritable secousse en Afrique du Sud. Le 7 avril, des milliers de sud Africains se sont rassemblés dans les principales villes du pays pour réclamer le départ de Jacob Zuma et pour dénoncer la corruption. A Johannesburg, l’Alliance Démocratique, principal parti d’opposition, a appelé à manifester. A Pretoria, c’est le Parti communiste, pourtant allié historique de l’ANC, qui a organisé les protestations. Il a été rejoint par des organisations de la société civile.

Le 12 avril, presque tous les partis politiques ont manifesté contre le président Jacob Zuma. C’est Julius Malema, le leader populiste du parti Les combattants de la liberté économique (EFF), qui a pris la tête de cette journée d’action nationale, à l’ampleur encore plus grande que celle du 7 avril.

Quelles conséquences ?

Une procédure de destitution a été lancée par Julius Malema. Le vote de défiance, dont l’issue décidera ou non de la démission de Jacob Zuma, aura lieu au Parlement le 18 avril.

Les scandales auxquels Zuma est lié ont d’importantes conséquences sur son parti, puisqu’ils provoquent à chaque fois des divisions. Celles-ci ont été accrues par le remaniement du 31 mars, notamment entre ceux désirant que l’ANC se montre opposé à la destitution de Zuma, et ceux qui souhaitent que le parti lui retire son soutien. Finalement, le 5 avril, l’ANC a annoncé son soutien à Zuma et a appelé à voter contre sa destitution. Du fait de l’importante majorité détenue par l’ANC (249 députés sur 400), la destitution de Zuma semble donc assez peu probable. Le « zexit » si souvent réclamé pourrait bien ne pas se produire.

Le calendrier du parti reste donc le même : le candidat de l’ANC pour les élections de 2019 sera choisi en décembre. La désignation du candidat fait écho aux divisions liées à l’affaire Zuma : les pro-Zuma soutiennent l’ex-épouse du chef de l’Etat, Nkosazana Dlamini-Zuma tandis que les frondeurs manifestent leur soutien au vice-président Cyril Ramaphosa.

Drame humanitaire en Corne de l’Afrique : comment en est-on arrivé là ?

La crise humanitaire qui sévit actuellement dans la corne de l’Afrique est “la plus importante depuis la fin de la seconde guerre mondiale” selon l’ONU.

20 millions de personnes sont concernées, provenant de quatre pays : Nigéria, Somalie, Soudan du Sud et Yémen. Parmi elles, 1,4 millions d’enfants risquent de mourir de faim, tandis que 5 millions d’entre eux pourraient voir dans les prochains mois leurs études perturbées. De plus, la situation s’empire encore de jour en jour. Sur les 4,4 milliards de dollars de financements d’urgence pour faire face à ces situations critiques réclamés par l’ONU d’ici juillet (aux entreprises, particuliers et États), seul 21% ont été à ce jour apportés. La situation de famine a été déclarée dans ces quatre régions. Il s’agit de la phase maximale (phase 5) de l’échelle du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC)*, prenant en compte la sévérité et la magnitude de l’insécurité alimentaire.

Une multitude de facteurs est à l’origine de ce désastre : sécheresse, manque de fonds et conflits à l’origine du déplacement massif de population. Néanmoins, les conflits constituent la cause prépondérante. Pour Peter Hailey, expert des crises alimentaires et directeur d’un think tank à Nairobi, il s’agit même d’une famine “d’origine 100% humaine”, puisque ce sont les autorités politiques qui rendent difficile l’accès aux ressources alimentaires. Si les conséquences de la crise humanitaire sont identiques dans les différentes zones, ses causes sont spécifiques à chaque pays :

Yémen :

Le conflit opposant rebelles Houthis aux forces loyales au Président Abd Rabbo Mansour Hadi (soutenu par une coalition de pays musulmans dirigés par l’Arabie Saoudite) prive la population des ressources alimentaires. De plus, les belligérants refusent parfois la distribution d’aides.

Nigéria :

Le groupe djihadiste Boko Haram sévit dans la région du lac Tchad, ses exactions auprès de la population entraînant des millions de déplacés. Contrairement aux autres pays, la nourriture est présente mais les déplacés n’ont pas les moyens de l’acheter.

Somalie :

La Somalie fait partie des zones les plus vulnérables sur le plan alimentaire. En 2017, le phénomène climatique El Niño a affecté les cultures de manière dramatique. L’État de catastrophe nationale a été déclaré fin février par le gouvernement somalien. Comme au Yémen, l’organisation djihadiste Al-Shebab présente au Sud refuse régulièrement l’accès aux humanitaires.

Soudan du Sud :

Au Soudan du Sud, 100 000 personnes sont confrontées à la famine, tandis que 1 million d’autres en sont au bord. La sécheresse est particulièrement sévère et des difficultés  d’accès dans certains endroits compliquent la tâche des humanitaires. Plus cynique encore, le gouvernement sud-soudanais a choisi de multiplier par 100 le prix des visas de travail pour les humanitaires : il coûte désormais entre 1000 et 10 000 dollars (930 et 9300 dollars).

En 2011, un scénario similaire s’était déroulé : 260 000 personnes étaient mortes de faim dans la région de la corne de l’Afrique.
L’état de famine avait été déclaré trop tard, après la mort de 13 000 personnes.

En 2017, cette fois-ci, l’alerte a été donnée plus tôt, ce qui n’empêche pas le drame de recommencer.

Pour autant, à l’instar de Jérôme Jarre, un internaute aux 8,6 millions d’abonnés, des voix s’élèvent pour protester contre cette crise humanitaire d’une ampleur sans précédent. Le jeune homme de 26 ans a ainsi profité de sa notoriété pour lever des fonds au service de l’Afrique de l’Est : grâce à lui, 1,6 million d’euros ont été récoltés et distribués à ceux qui en ont besoin.


Sources / Pour en savoir plus :

Famine en Afrique: l’ONU alerte sur le risque d’un nombre de morts «massif» – RFI

Famine en Afrique : “Les conflits sont la première cause” – LCI

Famine et insécurité alimentaire en Afrique, la crise sur une carte – rts.ch – Monde

Afrique: L’ONU met en garde contre une mortalité très élevée due à la famine 11:27 – 12/04/17

Crise alimentaire : Soudan du Sud, Somalie, Nigeria et Yémen au bord du gouffre – Libération

La Centrafrique s’enfonce dans la crise humanitaire – Afrique Centrale

L’Afrique est le théâtre de la pire crise humanitaire depuis 1945, selon l’ONU | ICI.Radio-Canada.ca

L’appel de 25 maires contre la crise humanitaire en Afrique – La Voix du Nord

1,4 million d’enfants risquent de mourir de la famine dans quatre pays – Europe 1 


*IPC : http://www.ipcinfo.org/home/fr/

Armes chimiques, bombardement américain : que s’est-il passé en Syrie?

Quelques heures après que des armes chimiques aient à nouveau été utilisées en Syrie contre des civils, l’US Navy a bombardé en représailles une base aérienne de l’armée légitimiste à Al-Shayrat, près de la ville d’Homs. « America is back », « risque d’escalade », tout et son contraire a pu être dit sur cette opération, retour sur les faits.

Ce n’est pas la première fois que le régime de Bachar El-Assad utilise des armes chimiques contre des populations civiles depuis le début de la Révolution syrienne en 2011. En août 2013 déjà, le bombardement d’un quartier rebelle de Damas avait fait plus de 1800 morts et près de 10 000 blessés.

Là encore, il s’agissait de gaz sarin, un gaz neurotoxique inodore, incolore et volatile, 500 fois plus toxique que le cyanure. Il s’attaque au système nerveux, provoque des convulsions puis la mort par asphyxie. Pour les survivants, les séquelles neurologiques et les lésions sont définitives. Cette attaque chimique n’était que la suite de nombreuses autres dans le conflit, plus localisées, cependant moins meurtrières.

Cette attaque de la Goutha, le 21 août 2013, avait suscité une vive émotion dans la communauté internationale. La France et les Etats-Unis en tête parlant de « lignes rouges » franchies et exprimant ouvertement leur volonté d’une action militaire ciblée, principalement sur les centres militaro-industriels du pays fabriquant, utilisant ou transformant des gaz neuro-toxiques. En quelques jours pourtant, tout s’était dégonflé. Après les discours martiaux, était venu le temps de les assumer. David Cameron, malgré sept heures passées à tenter de convaincre le Parlement britannique de répondre « par une forte action humanitaire » à un « crime de guerre », s’était heurté à un refus devant l’impossibilité de pouvoir affirmer à 100% que le régime syrien était responsable de cette attaque. Les mensonges de Tony Blair ayant servi à engager son pays dans la désastreuse aventure irakienne, 10 ans auparavant, étaient encore trop frais dans les mémoires. C’est ensuite le Président Obama qui s’est adouci en annonçant, le 31 août, que « le problème était trop important pour faire sans » l’accord du Congrès, bien que rien ne l’y obligeait. Une manière de se dédouaner sans se dédire. Ne restait que la France et le Président Hollande qui avait déclaré au journal Le Monde le 30 août 2013 « Ne pas agir, ce serait laisser faire ». On connaît la suite: les Rafales de Solenzara, prêts à l’action, armés, ravitaillés attendront l’ordre présidentiel qui ne viendra pas, l’opération est annulée. L’offre russe (providentielle) de placer l’arsenal chimique syrien sous contrôle international offrait une porte de sortie honorable à tout le monde, évitait les frappes et replaçait Moscou au centre du jeu. La Syrie devait ainsi adhérer à l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques), livrer ses armes et les sites les produisant en vue de leur destruction.

Les armes détruites après une année de démantèlement, la Syrie renonçant totalement à son arsenal chimique, les belligérants pouvaient ainsi continuer à se massacrer de manière conventionnelle.

Que s’est-il passé depuis? La vague d’attentats sans précédent, en Europe notamment, revendiquée par l’Etat islamique, l’expansion territoriale de ce groupe en Irak et en Syrie (puis son reflux, plus lent), l’engagement militaire d’une coalition internationale dans la lutte contre Daesh (opération Inherent Resolve pour les Américains, Chammal pour les Français) avec, notamment une campagne de bombardements aériens de longue durée et un fort appui au sol de « formateurs » et de forces spéciales pour aider les forces irakiennes à reprendre le contrôle de leur territoire. Egalement l’implication russe dans le conflit syrien, avec moins de mesure puisqu’il s’agissait de desserrer l’étau des rebelles sur Bachar El-Assad en bombardant, pilonnant et massacrant toute forme de résistance, islamiste ou non, démocratique ou non. On se souvient du siège d’Alep fin 2016 qui avait ému la communauté internationale.

Mais c’est le 4 avril dernier, dans la province d’Idleb à Khan Cheikhoun, qu’une nouvelle attaque au gaz sarin a eu lieu et a provoqué la mort de plus de 70 civils. Le régime syrien possède donc encore des armes chimiques, malgré ses engagements, malgré le démantèlement supposé intégral de ses stocks et manufactures. La Russie, fidèle alliée de Damas, accuse immédiatement les rebelles d’avoir stocké des armes chimiques sur ce site ensuite pris pour cible par l’aviation syrienne, selon les données « entièrement fiables et objectives du contrôle russe de l’espace aérien ».

Seulement, le gaz sarin ne peut se répandre après une explosion de cette sorte. C’est à une température beaucoup plus élevée que le liquide aurait chauffé pour ensuite se vaporiser et ainsi contaminer près de 400 personnes. Le type d’explosion qui ne passerait pas inaperçu, ce qui n’est pas le cas, au vu des témoignages locaux. Deuxième élément troublant, les rebelles n’ont jamais utilisé ce type de gaz complexe mais plutôt du chlore ou de l’ypérite dans des obus. Avoir une arme est une chose, avoir la capacité de s’en servir en est une autre. Enfin, plusieurs témoins affirment avoir vu l’appareil des forces syriennes larguer ses bombes, sans provoquer de gros dégâts donc. Quelques minutes après, les hôpitaux sont en alerte et reçoivent des blessés par centaines, tous présentant les symptômes d’une attaque au gaz sarin. L’attaque chimique a bien eu lieu. Des faisceaux d’indices plus que troublants, certes, mais aucun élément nouveau justifiant un changement de stratégie occidentale.

Comme à l’accoutumée, les réactions dans les chancelleries ont été une succession de protestations, de menaces, d’appels aux Nations-Unies et de condamnations. C’est ainsi que le nouveau Président américain Donald Trump, déclara que « ce que Assad a fait est terrible » et que « ce qui s’est passé en Syrie est une honte pour l’humanité …  je pense que quelque chose devrait se passer ». Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies réuni démontra à nouveau son impuissance devant les vétos russes aux trois propositions de résolution, refusant catégoriquement de laisser reconnaître que le régime de Bachar El-Assad était responsable du massacre.

Mais c’est à la fin de cette réunion que la situation a évolué. Les deux destroyers USS Porter et USS Ross, positionnées en Méditerranée orientale lancent immédiatement après, sur ordre du Président Trump, une soixantaine de missiles de croisière sur la base aérienne d’Al Shayrat, près de la ville de Homs, cette base étant soupçonnée d’avoir servi de point de départ à l’attaque chimique. La frappe a touché les infrastructures, les hangars, les appareils, les dépôts d’armes et de munitions ainsi que les systèmes radar et de défense aérienne et avait fait l’objet d’un préavis annoncé aux alliés ainsi qu’aux Russes via la ligne de communication spéciale mise en place entre la coalition occidentale et la Russie en octobre 2015 afin de prévenir tout incident. Aucun chasseur américain n’a été déployé pour cette opération afin d’éviter les tensions et tout risque d’être abattu par les systèmes anti-aériens russes qui, bien que capables en théorie d’intercepter des missiles de croisière, n’ont pas bougé. Les communications ont donc bien fonctionné… . Aucun baraquement n’a été pris pour cible et le bombardement a fait moins d’une dizaine de victimes parmi les soldats syriens.

C’était avant tout l’outil militaire syrien qui était visé et qui a été touché. En outre 20 appareils des forces aériennes syriennes auraient été détruits selon le Pentagone.

Cette opération, ordonnée par le Président Trump, vient-elle démontrer qu’il agira là où le Président Obama a failli ? Rien n’est moins sûr. En effet, bombarder à distance une base militaire dans un pays en guerre civile est une chose, Barack Obama n’a d’ailleurs jamais hésité à faire usage de la force au Yémen, en Libye, au Pakistan, comme en Irak ou en Syrie d’ailleurs, en utilisant tous les moyens à sa disposition, des drones armés aux troupes au sol comme c’est le cas, aujourd’hui, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve avec près de 5000 hommes déployés en Irak. En revanche, intervenir militairement au sol, dans le cadre d’une opération terrestre ou combinée comme ce fût le cas en Afghanistan en 2001, en Irak en 2003 est très différent, plus lourd, plus complexe et plus compliqué politiquement. Intervenir en Corée du Nord par exemple, serait une toute autre affaire.

Trump est un impulsif, ce n’est plus à démontrer. Il a pour autant demandé au Pentagone de lui présenter des options et il en a choisi une plutôt mesurée (parmi toutes celles qui étaient possibles), la plus efficace, la plus sobre parmi celles que l’armée américaine était en mesure de lui proposer.

A une attaque militaire, il a répondu par une frappe militaire, mesurée, cadrée, proportionnée, sans risque. Rien ne dit que les Etats-Unis de Donald Trump l’isolationniste seront prêts à s’engager davantage dans le bourbier syrien ou à ouvrir de nouveaux fronts, dans une Amérique qui se remet péniblement des guerres d’Afghanistan et d’Irak.

Ce qui est certain, c’est qu’un monde où les Etats-Unis laisseraient la main serait un monde moins sûr, pour eux en tous cas, et pour leurs alliés les plus proches comme Israël ou l’Arabie Saoudite et ça, Donald Trump le sait. Il est fort à parier qu’il n’hésitera pas, comme tous ses prédécesseurs, à faire usage de la force lorsque les lignes seront franchies. Il n’y a que le positionnement des lignes qui bouge. L’Amérique n’est pas de retour, elle n’a jamais quitté la scène.

Il ne faut pas non plus oublier le contexte politique intérieur. Donald Trump ne parvient à passer aucune de ses réformes, aucun de ses textes. Le seul domaine où sa volonté est exécutée dans l’instant, c’est dans son costume de « commander in chief ». Il est donc fort à parier qu’il en usera tout au long de son mandat, dès qu’il en aura l’occasion.

Pour autant, doit-on craindre l’escalade ? Clairement pas.

Aucun pays au monde n’est en mesure de rivaliser avec les Etats-Unis d’Amérique, sur le plan des forces en présence et des moyens. Nul ne s’y risquerait. Que peut faire la Russie ? Rien de plus qu’aujourd’hui : bloquer des résolutions à l’ONU, soutenir ses alliés et exprimer son désaccord. La Syrie n’a même pas les moyens de vaincre la rébellion seule, l’Iran ne se risquerait pas à ce jeu (le régime des Mollahs a d’ailleurs condamné à la fois le bombardement américain et l’attaque chimique d’où qu’elle vienne). Le Proche et le Moyen-Orient sont déjà une poudrière, nul n’a intérêt à la voir exploser. Les Etats-Unis et leurs alliés (Israël, Egypte, Arabie Saoudite, Jordanie) non plus.

Il est fort à parier que rien ne changera, que les combats et les bombardements continueront, que les coalitions succèderont aux sanctions mais que rien ne sera bouleversé. Le peuple syrien a encore de bien mauvais jours devant lui.

100 premiers jours de Trump: 10 décrets à retenir

Elu le 8 novembre 2016 et investi le 20 janvier 2017, le président républicain Donald Trump a déjà signé plus de 30 décrets et mémoranda depuis le début de sa présidence. Cette forte activité en fait l’un des présidents américains les plus prolifiques en la matière.
“Les Décryptages” vous propose de comprendre 10 de ces executive orders signés par le président Trump.

Avant toute chose, il est nécessaire de comprendre ce que sont les executive order ainsi que les presidential memoranda.
Le décret exécutif (executive order) est un document signé par le Président des Etats-Unis et en général adressé à des membres du gouvernement. Les décrets ont le même statut et la même valeur que les lois, grâce à l’autorité que la Constitution confère au président. Parfois, le Congrès américain peut aussi laisser le président légiférer par décret, on parle de législation déléguée : le pouvoir exécutif peut alors passer des lois au même titre que le pouvoir législatif.
Un memorandum (au pluriel, des memoranda) est similaire à un décret exécutif et a donc aussi la valeur d’une loi; il diffère par son statut : un décret peut servir à modifier ou annuler un memorandum, mais l’inverse n’est pas possible. De plus, sa publication dans le registre Fédéral, le journal officiel du gouvernement américain, n’est pas obligatoire, contrairement à l’executive order.

20 Janvier : « Décret minimisant le fardeau économique de la loi sur la protection du patient et les soins abordables »

Seulement quelques heures après son investiture, Donald Trump a signé un décret visant à « révoquer promptement » le « fardeau économique » de l’Obamacare. Il s’agit en effet d’une promesse phare de sa campagne électorale, qu’il n’a à ce jour toujours pas réussi à mettre en place, faute de majorité stable au Congrès (l’équivalent américain du Parlement).
Aujourd’hui, l’Obamacare fournit des soins à plus de 20 millions d’américains et selon les prévisions, 9% de nouveaux bénéficiaires, soit 1 800 000 personnes, sont attendus en 2017.

23 Janvier : Signature de trois mémoranda

Le 23 Janvier, Trump a signé trois memoranda dans le but, une fois de plus, d’effacer l’oeuvre du président précédent.

Le premier memorandum se consacre à la sortie du TPP (Partenariat Transpacifique), un traité de libre-échange contenant maintenant 11 pays et représentant environ 15% de l’économie mondiale.
Trump déclare à ce sujet : « C’est une bonne chose pour les travailleurs Américains, ce que nous venons de faire». Son prochain objectif ? Renégocier les termes de l’ALENA, l’Association de Libre-Échange Nord Américaine, mise en place avec le Canada et le Mexique.

Le second memorandum confirme le gel des recrutements fédéraux, c’est à dire les personnes employées par l’État, sauf pour l’armée. George W. Bush avait déjà signé un décret semblable en 2001. Trump affiche ainsi la volonté de réduire l’importance de la bureaucratie, qu’il a beaucoup critiquée durant sa campagne.

Le dernier memorandum remet en vigueur une loi interdisant le financement de groupes internationaux pratiquant l’avortement ou informant la population à ce propos. De plus, il interdit le financement de lobbies (des groupes de pression tentant d’influencer les politiciens) en faveur de l’avortement. Cette mesure, supprimée par Obama en 2009, représente une véritable partie de tennis politique. En effet, depuis son instauration en 1984 par le président républicain Ronald Reagan, les gouvernements démocrates se sont employés à l’abroger tandis que les Républicains la ré-instituaient dès qu’ils revenaient au pouvoir, renvoyant ainsi la balle dans le camps adverse au gré des administrations.

24 Janvier : « Expédition des revues environnementales et des approbations pour les projets d’infrastructures de haute-priorité »

Ce décret, adressé au président du Conseil de la Qualité Environnementale (CQE), met en place un système d’approbation des futurs chantiers : lorsqu’un projet d’infrastructure (pont, route ou aéroport par exemple) est présenté, le président du CQE dispose de 30 jours pour rédiger un rapport sur l’impact environnemental du chantier. En fonction de ce rapport, Donald Trump décide ensuite si le chantier doit être classé « haute-priorité » ou non. Ce décret fait aussi écho à la décision de Trump d’autoriser la reprise du projet des Dakota Access Pipelines, très critiqué pour son possible impact écologique.

25 Janvier : « Amélioration de la sécurité aux frontières et de l’application des lois sur l’immigration »

Ce décret a pour but de tenir une des promesses phares de la campagne de Trump : la construction d’un mur à la frontière Mexicaine. Trump s’adresse cette fois au secrétaire du département de la défense (Homeland security) ; il lui demande de présenter au congrès une requête budgétaire pour la construction du mur. Le décret prévoit également le recrutement de 5000 agents de patrouilles frontalières ainsi que la construction de centres de détentions pour les migrants arrêtés.

27 Janvier : « Protection de la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux États-Unis »

Certainement LE décret le plus contesté. Il met en place l’interdiction d’entrée de ressortissants de sept pays à majorité musulmane (Syrie, Iran, Irak, Libye, Soudan, Yémen et Somalie) pour 90 jours. De plus, les réfugiés de ces pays n’ont plus le droit de pénétrer le territoire américain pendant 120 jours, sauf pour la Syrie, où l’interdiction est permanente. Enfin, le décret suspend le « Visa Interview Waiver Program » mis en place par Barack Obama en 2012, qui autorisait les « touristes fréquents » à ne pas passer la procédure habituelle pour la demande de visas d’entrée. Ce décret a donné lieu à de nombreuses manifestations et oppositions, il est souvent appelé le « muslim-ban ». A noter que les binationaux et les détenteurs de visas sont refusés en frontières également.
On peut cependant remarquer un paradoxe dans la décision de Trump. Il souhaite en effet empêcher « l’entrée de terroristes étranger aux Etats-Unis ». Or, aucun terroriste ayant frappé le sol américain n’est originaire des pays touchés par le « muslim-ban ». En effet, la plupart des terroristes du 11 septembre, par exemple, étaient d’origine Saoudienne. L’Arabie-Saoudite est certes un allié de longue date pour les Etats-Unis, mais c’est également le pays d’origine des terroristes ayant commis l’attentat le plus meurtrier sur le sol américain, ainsi que de l’idéologie qui anime aujourd’hui les djihadistes de Daech : le wahhabisme.

3 Février : « Principes fondamentaux pour réguler le système économique des États-Unis »

Ce décret du 3 Février, adressé au secrétaire de la trésorerie, a pour objectif de définir les principes fondamentaux de l’économie américaine selon Trump. Il distingue de nombreux principes, tels que :
Rendre la régulation de l’économie « efficace et appropriée »
Prévenir tout sauvetage financier en provenance de l’Etat
S’assurer que les entreprises américaines sont compétitives à l’étranger
Le secrétaire de la trésorerie devra rédiger un rapport tous les 120 jours afin de déterminer si la politique menée est efficace et de la réajuster si nécessaire.

9 Février : « Création d’une équipe pour la réduction du crime et la sécurité publique »

Adressé à l’équivalent américain du ministre de la justice, Jeff Sessions, ce décret est consacré à l’amélioration de la sécurité. Donald Trump avait en effet annoncé vouloir retourner à « la loi et l’ordre » lors de la campagne. Ici , il ordonne à Jeff Sessions de créer une commission qui proposera une nouvelle législation afin de réduire le crime. Trump cible particulièrement le trafic de drogue, l’immigration illégale et les agressions. Cette commission devra par ailleurs rédiger des rapports annuels au président pour lui rendre compte des avancées réalisées.

6 Mars : « Protection de la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux États-Unis »

Vous souvenez-vous du « muslim-ban » ? En voici la deuxième version. Face aux manifestations, aux poursuites judiciaires et au blocage du décret par une juge fédérale de l’état de Washington, Donald Trump a été forcé de modifier un peu son décret du 27 janvier. Ce nouveau décret, appliqué depuis le 16 mars, comporte les modifications suivantes :
L’Irak est retiré de la liste des pays visés. Ceci est principalement dû au rôle majeur du pays dans la lutte contre Daesh,
Les voyageurs légaux (détenteurs de visas et cartes vertes) peuvent désormais entrer,
Les binationaux peuvent entrer sur le territoire,
Les réfugiés Syriens ne sont plus bloqués indéfiniment, mais 120 jours, comme les autres,
La religion n’est plus un facteur pris en compte car cela avantageait les Chrétiens.

Il semble pourtant, malgré la rapidité du Président des Etats-Unis à signer ses décrets, tenant ainsi ses promesses de campagne; que ce dernier ait encore du mal à convaincre l’électorat et le peuple américain. Cela se ressent notamment avec les nombreuses oppositions auxquelles il a dû faire face durant sa tentative pour abroger l’Obamacare (qui a échouée) ou lors de la signature du « muslim-ban ».

Donald Trump semble bien parti pour rester le président le plus impopulaire de l’histoire des Etats-Unis.

 


Sources :

  • https://www.whitehouse.gov/briefing-room/presidential-actions/executive-orders?term_node_tid_depth=51&page=1,
  • https://www.whitehouse.gov/briefing-room/presidential-actions/presidential-memoranda?term_node_tid_depth=56,
  • http://www.nbcnews.com/politics/white-house/here-s-full-list-donald-trump-s-executive-orders-n720796,
  • http://www.20minutes.fr/monde/2025883-20170306-immigration-cinq-differences-entre-deux-decrets-donald-trump,
  • https://www.theguardian.com/us-news/2017/jan/23/donald-trump-first-orders-trans-pacific-partnership-tpp,
  • http://www.bbc.com/news/world-us-canada-38724063,
  • http://www.zerohedge.com/news/2017-01-23/trump-signs-3-executive-orders-withdraws-tpp-freezes-federal-hiring-limits-overseas,
  • https://en.wikipedia.org/wiki/Presidential_memorandum,
  • https://en.wikipedia.org/wiki/Executive_order_(United_States),
  • http://www.nbcnews.com/politics/white-house/here-s-full-list-donald-trump-s-executive-orders-n720796,
  • http://obamacarefacts.com/sign-ups/obamacare-enrollment-numbers/,
  • http://money.cnn.com/2016/12/21/news/economy/obamacare-enrollment-record/,
  • http://www.20minutes.fr/monde/2025883-20170306-immigration-cinq-differences-entre-deux-decrets-donald-trump,
  • https://www.nytimes.com/2017/01/23/world/trump-ban-foreign-aid-abortions.html,
  • https://www.nytimes.com/2017/01/24/us/politics/keystone-dakota-pipeline-trump.html?_r=0,
  • http://www.cnbc.com/2017/01/24/trump-to-advance-keystone-dakota-pipelines-with-executive-order-on-tuesday-nbc.html.

Présidentielle, es-tu vraiment là ?

Comme de nombreux Français, j’aimerais dédier une tribune à une absente. Nous avions pourtant l’habitude de nous retrouver tous les cinq ans. Elle nous faisait vibrer par la vivacité de ses débats, ces comptes à rebours qui rythmaient nos agendas. Elle nous faisait pleurer par ses résultats inattendus, par ses candidats, que l’on chérissait, battus.
C’est une tribune que j’écris sur ce rendez-vous démocratique manqué, sur ce rendez-vous qui ne semble pas nous avoir été présenté.

La campagne avait pourtant bien débuté. Les primaires de la droite et du centre ouvraient le bal de ce rendez-vous très attendu. Les résultats de ces dernières nous annonçaient une campagne pleine de rebondissements. Les commentateurs donnaient Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy gagnant. Manque de chance, c’est François Fillon qui fut investi candidat d’un parti.
Beaucoup pensaient alors que l’élection était jouée, François Fillon avait tout d’un prochain président de la République. Bien coiffé, allure de premier de la classe, programme bouclé, la route du succès lui était toute tracée.

De l’autre côté de l’échiquier politique, c’est plus compliqué. « La primaire de la gauche » sera en réalité « la primaire de quelques partis de gauche ». Ni Jean-Luc Mélenchon ni Emmanuel Macron ne répondent aux cris du cœur du parti socialiste mendiant « l’union de la gauche ». Difficile de succéder à François Hollande, dont le virage social-libéral post-campagne électorale, fut peu populaire auprès de ses électeurs.
Bis Repetita. Lorsque l’on hésitait sur le vainqueur de la primaire « la belle alliance populaire » entre Manuel Valls ou Vincent Peillon, ce fut un troisième homme qui fut investi. Un homme dont peu de personnes avaient soupçonné la victoire : Benoît Hamon.

La campagne allait de surprises en surprises, d’inédit en inédit. C’est la première fois de l’histoire de la Vème République, qu’un président ne se présentait pas à sa propre succession. Première fois, où les sondages accumulaient autant de désagréments, déjà desservis par une élection américaine, et un BREXIT à l’issue contraire de celle pressentie.

Progressivement, les partis annonçaient l’implosion. Là où les bons perdants étaient mécontents, les menaces de départ n’étaient pas canulars. Des cadres juppéistes annonçaient leur soutien : c’est en courant qu’ils vont vers Emmanuel Macron. Même valse aux côtés du perdant Manuel Valls : on ne semble plus sûr de soutenir le candidat investi par son propre parti. De la valse à la marche, il n’y a qu’un pas.

Quelle image renvoient-ils aux Français ? Celle de responsables politiques malhonnêtes incapables de dépasser leurs désaccords pour faire barrage à l’extrême droite ? Comment pourraient-ils prétendre à l’union de la nation, s’ils en sont en réalité incapables dans leurs propres formations ?

La campagne fut par ailleurs polluée par les problèmes judiciaires des candidats, ce qui a vraisemblablement immobilisé cette dernière pendant plusieurs semaines.

François Fillon est mis en examen, pour détournement de fonds publics. Il avait pourtant fondé sa campagne sur son irréprochabilité. Fillon n’avait, de surcroît, pas hésité à admonester son ex-adversaire Nicolas Sarkozy en énonçant « Qui imaginerait le Général de Gaulle mis en examen ? » en référence aux multiples affaires où l’ex-président de la République était embourbé. C’est le jeu de l’arroseur arrosé.
Quant à Marine Le Pen, le parlement européen lui reproche d’avoir pioché dans les caisses européennes, pour payer des activités destinées à son parti. Comble du mépris, elle refuse de se rendre aux convocations des juges afin d’être entendue pour cette affaire. L’antisystème utilise les outils du système pour sauver sa peau.

Les Français les plus modestes assistent à ce tragique spectacle mêlant costumes hors de prix et responsables politiques qui nient.

Il y a comme un air de frustration. Celle de l’incompétence générale des candidats.

Emmanuel Macron fait campagne lors de longs mois sans programme, cela ne semble pas gêner. François Fillon adopte la stratégie du complot, arguant qu’un cabinet noir essaie de l’assassiner, cela ne semble pas gêner. Du côté de Marine Le Pen, on annonce de grandes politiques de relance à coup d’investissement public massif. Dans le même temps, on annonce des économies accompagnées de baisses massives d’impôts, et cela ne semble pas gêner. Benoît Hamon évoque un revenu universel d’existence qui n’a d’universel que le nom, ce qui ne semble pas gêner. Certains annoncent un engagement sur un plateau de télévision un soir, pour le contredire quelques jours plus tard. Cela ne semble toujours pas gêner.

Que dire sur ces médias qui traitent de la campagne présidentielle ? C’est la course à l’audace, le fond n’y a plus sa place.

On chante, que dis-je, rappe les questions aux candidats. Les humoristes clôturent les émissions politiques. Les chaînes de télévision décident elles-mêmes quels candidats sont, ou, ne sont pas dignes d’être écoutés par les Français. On s’extasie devant l’hologramme de Jean-Luc Mélenchon. On rit. Bref, c’est l’ère du divertissement roi, de l’audimat qui fait loi.

Sur Internet, c’est le marathon à la concision ; au fast-food du clash, du buzz, et du wizz.
Exit Pujadas et Chazal, place à Hugo Travers et Cyrus North à la cible plus jeune.
À trop vouloir intéresser cette cible, ne sommes-nous pas devenus artisans du contenant au détriment du contenu ?

Comment parler guerre, chômage et insécurité lors d’un “Gaming présidentiel » d’Hugo Travers ? Comment y évoquer la Syrie, Trump et le populisme rampant ?

En définitive, les médias ne sont que le reflet de cette campagne ratée. Une campagne bancale, mal préparée. Une campagne basse, qui n’est pas à la hauteur des attentes des Français, qui n’est que bal des imparfaits.