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Rencontre avec Guillaume Balas, député européen

Rôle d’un député européen, journée-type de celui-ci, avenir de l’Union Européenne, … Yanis Djaout-Fares s’est entretenu avec Guillaume Balas, député européen socialiste.

YDF : Bonjour Guillaume ! Merci d’avoir accepté de répondre à nos quelques questions malgré votre emploi du temps chargé. Entrons dans le vif su sujet : en quoi consiste le travail d’un député européen ?

GB : Le travail d’un eurodéputé consiste à fabriquer la loi européenne, à savoir les directives et les règlements; notamment en travaillant à partir des textes proposés par la Commission Européenne. Nous n’avons malheureusement pas le pouvoir d’initiative (proposer des lois) mais nous devons voter pour dire oui/non ou amender ce qui nous est proposé par la Commission et par le Conseil. Auparavant, le Parlement Européen n’avait qu’une voix consultative, aujourd’hui on doit avoir son accord pour faire passer des règlements et des directives.

YDF : Donc un député européen ne fait qu’assister à des séances parlementaires et voter pour ou contre des lois ?

GB : Non, nous sommes très actif parce qu’il y a énormément de règlements et de directives. Nous avons le droit de faire des rapports d’initiatives mais qui n’ont pas de force de loi ; même si après c’est utile politiquement parce que ça fait pression sur la Commission. En revanche, il est vrai que le jour où nous voudrons entrer dans une vraie démocratie européenne, il faudra que le parlement européen ait le pouvoir d’initiative législative.

YDF : Et plus concrètement encore, qu’est-ce que la journée-type d’un député européen ?

GB : La journée typique d’un eurodéputé commence par partir très tôt pour Bruxelles et de souvent y dormir. Travailler dans trois directions : la première concerne la délégation de groupe. Pour moi c’est celle du Parti Socialiste Français, nous travaillons beaucoup ensemble, nous sommes treize, très unis. Nous débattons beaucoup pour avoir des positions communes. Ensuite, nous travaillons avec le groupe socialiste européen pour faire passer ce que nous voulons, nous socialistes français ajouter comme amendements. Puis il y a le travail en commission parlementaire comme un député à l’Assemblée Nationale, qui a un rôle très important chez nous. Je suis membre de la commission Affaires Sociales et Emploi et Environnement, c’est là où notamment nous attrapons des rapports que nous devons rédiger et faire voter, ce qui n’est pas simple quand il n’y a pas de majorité.

YDF : Si on s’oriente vers un rêve de fédéralisme européen, pensez-vous que le rôle ou le poids d’un eurodéputé aura un rôle supérieur à celui d’un député national ?

GB : Nous, au Parti Socialiste nous avons toujours pensé qu’il fallait organiser la Zone Euro et faire un parlement de la Zone Euro. De ce point de vue-là, s’il y a un parlement de la Zone Euro, l’idée serait de faire des transferts de compétences nationales comme par exemple la fiscalité et tout ce qui se rapporte au social. Oui, il y aura des compétences qui seront supérieures. Mais dès aujourd’hui il ne faut pas oublier que 80% des législations nationales sont d’origines européennes. Et donc en réalité en tant que parlementaire européen, je suis désolé pour mes amis parlementaire français (rires), nous avons parfois plus de pouvoir qu’eux. C’est la réalité.

YDF : L’Europe de demain, comment la penses-vous ? Comment voudriez-vous qu’elle soit ?

GB : Et bien l’Europe de demain risque de ne pas exister, c’est surtout ça qui m’inquiète. Il y a deux voies aujourd’hui qui sont très néfastes. La première c’est de continuer le laisser-faire européen ce qui aboutira à sa désintégration. Si personne ne fait rien pour la changer les peuples s’en détourneront. La deuxième voie, c’est de mettre de telles conditions à l’Europe que forcément nous en sortirons et personne ne voudra obéir à la France. Je crois qu’aujourd’hui il faut proposer. Depuis trop longtemps la France ne propose plus rien en Europe, ce qui ne veut pas dire que c’est à prendre ou à laisser. C’est à négocier, c’est ce que fait aujourd’hui Benoît Hamon avec son traité de la Zone Euro comme la question de l’énergie. Et c’est ce que font les sociaux-démocrates au niveau européen. Il y a urgence à changer l’Europe si on veut sauver l’Europe.

YDF : Que pensez-vous de l’affaire qui implique M. Barroso ? (l’embauche par Goldman Sachs d’un ex-président de la Commission européenne, NDLR)

GB : Je pense qu’il faut mettre fin aujourd’hui à tous ces types scandaleux de conflits d’intérêts. Il doit y avoir des règles très claires sur le fait qu’un commissaire européen (équivalent de ministre, ndlr) ne peut pas, après son mandat, travailler dans une grande entreprise comme Goldman Sachs qui est une entreprise qui a toujours fait en sorte d’avoir un lobbying actif auprès des députés européens, des institutions de Bruxelles, c’est un danger. Nous voyons tout de même que Goldman Sachs sait promettre des recrutements. Il faut y mettre fin. Cela fait partie du fait que les peuples se détournent de plus en plus de l’Europe, nous devons de ce point de vue-là écarter définitivement les lobbyings du pouvoir. Que nous rencontrions des entreprises, des associations c’est normal. Qu’elles dirigent l’Europe c’est impossible.

YDF : “Les Décryptages” est un média digital, qui propose de décrypter l’information et de la rendre accessible au plus grand nombre. Pour vous, quel accès demain à l’information ?

GB : Je pense que de ce point de vue-là, il y a une question qui se pose. Je rencontre beaucoup de groupes scolaires et je vois bien qu’il y a contrairement à ce que nous pouvons penser, contrairement à il y a trente ans, ils sont beaucoup plus immédiats et surtout ils sont beaucoup plus informés. Se pose après ce qu’on appelle l’effet de communauté sur le net, c’est-à-dire que par intérêt, les citoyens mettent des barrières étanches et il est très difficile après de construire de l’intérêt général à partir de visions qui sont complètement différentes. Il y a donc toute une réflexion à avoir aujourd’hui sur la question du numérique, des jeunes et l’accès au numérique. Comment leur offrir les capacités de décryptages pour ensuite proposer une lecture transversale qui permette de construire un intérêt commun. Malheureusement, nous ne l’avons pas encore trouvé.

YDF : Merci pour ces réponses! Enfin, une question un peu plus personnelle : qui est l’homme derrière l’eurodéputé ?

GB : Je suis enseignant et c’est mon métier parce qu’être député c’est un mandat; et c’est transitoire. J’ai passé la plus grande partie de ma carrière dans le Val d’Oise (95). J’ai été enseignant dans toute la région parisienne pendant dix-huit ans et je continuerai à l’être. Par ailleurs, je suis aussi un militant socialiste depuis l’âge de dix-sept ans et j’espère que cette famille sera encore l’épicentre de la gauche de demain.


Merci encore à Guillaume Balas d’avoir répondu à nos questions!

Pour suivre son activité : http://www.guillaumebalas.eu