Critique de “La Fête est Finie” d’Orelsan

Critique de “La Fête est Finie” d’OrelsanTemps de lecture estimé : 5 min

Plus rien ne l’étonne.

Après deux albums remarqués en collaboration avec Gringe sous le nom des Casseurs Flowters, une série et même un film, Orelsan revient avec un album solo et une future tournée. La Fête est Finie conclue donc la trilogie du rappeur caennais après Perdu d’avance (2009) et Le chant des sirènes (2011). Album très attendu donc, en particulier après la diffusion du premier morceau Basique le 20 septembre dernier qui en annonçait la sortie un mois plus tard. Un titre qui avait divisé, entre des paroles jugées faibles par une partie du public et un clip en plan séquence qui avait lui, bluffé. Une stratégie qui avait nourrie les attentes et les inquiétudes, tout comme la divulgation de la liste de collaborations assez hétéroclite, de Nekfeu à Stromae en passant par Maître Gims. Digne volet de la trilogie ou égarement sans intérêt ?


La boucle est bouclée.

Lorsqu’un artiste vieilli et a une longue carrière à son actif, les critiques s’articulent autour d’expressions types telle que “C’est l’album de la maturité” pour qualifier un travail proche de l’artiste et complet dans ses facettes artistiques, ses thèmes. A contrepied de cela, Orelsan ne devient pas plus mature, il le dit et cela s’entend. Il vieilli certes, évoque avec sa mélancolie caractéristique le temps qui passe sans qu’il soit possible de lutter ni de finir heureux et avec beaucoup d’enfant. Car la vie n’est pas un chemin linéaire. Il en a conscience et l’exprime dans ses textes comme à son habitude. Ce n’est pas pour autant qu’il murie. Il reste ce type un peu paumé, maladroit, cru, qui cherche sa place dans son couple, sa famille, sa carrière, dans le monde. Car il n’y a pas d’âge pour se perdre. Et que nous le faisons tous.

La première moitié de l’album est typique du style d’Orelsan, incisive et impertinente. De quoi rassurer au premier abord les fans de l’artiste. Pourtant, si le fond reste le même, c’est la forme qui se détache et on remarque assez vite l’empreinte de ces dernières années des Casseurs Flowters. C’est une suite logique mais qui pourra perdre les fans de l’artiste solo qui avaient eu du mal avec son association au rappeur Gringe. Pourtant, Le chant des sirènes date d’il y a six ans. Il aurait été problématique de reprendre un style de rap qui aujourd’hui n’est plus vraiment dans l’air du temps. Il est possible d’écouter du rap de toute époque, mais le problème serait de sortir un nouvel album en reprenant les codes du début de la décennie. D’ailleurs, l’adaptation est tout à fait réussie. Orelsan garde une indépendance artistique, ne tombe pas dans la facilité en suivant simplement ce qu’il se fait dans le rap français actuel. Il a su en revanche moderniser et adapter son style avec notamment l’aide de Stromae.


Nuits blanches, idées noires.

Sans dévoiler la surprise de l’écoute, l’album est truffé de pépites du genre qui non seulement vont séduire les fans d’Orelsan mais aussi de rap en général. Dès le premier week-end, un enthousiasme certain s’est articulé autour de certains morceaux (Défaite de famille, Christophe et Paradis en particulier). Même si certains titres peuvent décevoir à cause de l’attente à leur égard (Zone avec Nekfeu) ou sembler servir de remplissage (La Lumière).

Toutefois, s’il ne fallait en retenir qu’un, le dernier, Notes pour plus tard, est la véritable surprise de La Fête est Finie. Pour devenir finalement le meilleur de l’album voire de sa carrière. Il est même représentatif d’Orelsan et de son univers dans son intégralité, de son personnage, et conclue l’album comme la trilogie.

Une mélancolie plus profonde et fataliste que ses œuvres précédentes se dégage en général. Orelsan s’est confié en interview à ce propos en disant que de réelles touches optimistes se dégageaient pourtant : les conseils de Notes pour trop tard ou la déclaration de Paradis. S’il est vrai que le second titre est la première approche romantique de l’univers du rappeur, il semble être la seule note optimiste et confiante pour l’avenir, dans cette rétrospective globale sur le temps qui passe.

Orelsan raconte la vieillesse dans ce qu’elle a de plus sombre : sa fatalité, son amertume. Mais malgré tout, il en tire une leçon de vie, leçon déjà enseignée dans ses productions précédentes et particulièrement dans Comment c’est loin (2015) : il faut profiter de sa jeunesse pour vivre. Pas raisonnablement, pas comme on nous dit de le faire, mais comme on le souhaite. Quitte à échouer, quitte à regretter, car c’est toujours mieux que les remords, comme dirait l’expression.

La Fête est Finie signe donc le digne retour d’Orelsan sur la scène en solo. Pourtant, si le public sera satisfait de le retrouver, un étrange sentiment d’adieu suit l’écoute de l’album. C’est peut-être ce qui lui donne ce goût si particulier qui peut séduire ou rebuter. Un album sans grande surprise certes, ce qui ne porte pas préjudice à sa qualité.

Azucena Denis